Le harcèlement scolaire au collège et lycée
Au cours des trois dernières années, plus d’un million d’élèves ont été victimes de harcèlement.
Au collège, par exemple, ce sont en moyenne deux élèves par classe qui sont victimes de harcèlement scolaire.
C’est une tragédie qui brise des vies et anéantit les rêves et les espoirs.
Lorsqu’un enfant est victime d’insultes, de menaces, de violences physiques, de bousculades ou de messages injurieux récurrents, on parle de harcèlement.
C’est ce que j’ai vécu durant mon adolescence avec Sébastien Cazac qui était dans la même classe de collège que moi.
Je vais vous raconter mon histoire.
Le harcèlement par Sébastien Cazac
Dès 8 heures le matin Sebastien Cazac me bousculait dans le couloir du bas, puis il me faisait des croches-pattes dans les escaliers, enfin en classe il retirait ma chaise avant que je n’ai pu m’asseoir dessus.
Bien entendu, il variait les brimades d’un jour à l’autre 😉
Cazac passait les heures cours à m’appeler à voix basse des dizaines de fois avec pour finalité de m’insulter, de se moquer de moi, de relever mon acné proliférante, de railler mon apparence misérable et mes vêtements qui n’étaient pas à son goût.
L’uniforme porté par tous aurait été l’une des solutions à mettre en place pour éviter la pauvreté apparente et la différence évidente entre les élèves issus de milieux sociaux différents.
Dans l’après-midi, S.Cazac passait à l’étape suivante.
Il commençait à me jeter au visage des bouts de gomme ou de papier mâché, puis de chewing-gum et enfin il jetait de l’encre sur mes cahiers.
En se levant de sa chaise pour se rendre devant la classe, Cazac passait juste à côté de moi puis il raturait mes livres dès que le prof avait le dos tourné au tableau.
Le harcèlement scolaire détruit tout : de la joie de vivre, à l’envie de vivre.
En sport, Seb Cazac baissait mon pantalon de jogging devant tout le monde et il me mettait régulièrement des gifles.
La punition par l’humiliation, ma seule faute était simplement d’avoir l’audace de vivre, ce qu’il n’acceptait pas.
Un harcèlement quotidien
Chaque jour ces épreuves se répétaient, ça devenait insupportable d’être constamment rabaissé. Le harcèlement scolaire détruit tout : de la joie de vivre, à l’envie de vivre.
Le jeune Cazac semblait avoir un véritable problème psychologique, car les gens normaux n’essaient pas de rabaisser les autres comme cela, et ils ne prennent pas de plaisir à détruire leurs semblables.
Une persécution adoubée par les professeurs du collège
Le corps enseignant avait une responsabilité importante dans ce qui se passait quotidiennement dans l’établissement. L’inaction lâche des professeurs qui voyaient, savaient, et cautionnaient ces agissements par leur immobilisme, les rendaient complices de mon supplice.
Son entourage n’avait pas su lui inculquer les valeurs essentielles afin d’avoir une bonne éducation.
Seulement pour les profs, les brimades de cour de récréation n’étaient que des enfantillages. Comme si le monde des enfants s’autorégulait naïvement sans qu’aucun adulte ne s’en mêle.
Le respect, l’empathie et l’écoute d’autrui lui étaient totalement étranger.
Il était protégé par les adultes
Dans le cas de Seb Cazac, l’échec était double.
D’une part, son entourage n’avait pas su lui inculquer les valeurs essentielles afin d’avoir une bonne éducation. Le respect, l’empathie et l’écoute d’autrui lui étaient totalement étranger.
D’autre part il n’avait pas non plus assimilé qu’un collège était avant tout un lieu respectable pour apprendre de l’enseignement dispensé, à l’opposé d’une zone de non-droit où l’on use de violences et de harcèlement envers ses camarades.
Puis quelles valeurs sa famille bourgeoise et aisée lui avait-elle inculquée ?Celles de parents défaillants, incapables d’éduquer leurs enfants ?
Peu importe que vous ayez du style, une réputation ou de l’argent.
Si vous n’avez pas bon cœur, vous ne valez rien.
Subir la haine jusqu’à vouloir mourrir
J’ai subi ces humiliations, et encaissé ces brimades en silence jusqu’au milieu de l’année scolaire.
Je me posais beaucoup de questions existentielles afin de comprendre ce qui m’avait amené à cette situation. Je m’interrogeais constamment sur ma responsabilité, j’avais certainement fait quelque chose de mal.
D’ailleurs, si j’en avais parlé à mes parents, ils m’auraient immédiatement mis en cause : Qu’as-tu fait pour qu’il agisse ainsi ?
Leur solution aurait été simple : changer d’école.
Seulement, je n’avais pas envie de perdre mes copains, mes repères et devoir en sus tout recommencer ailleurs.
Alors, je plongeais encore davantage dans les abysses de la dépression adolescente.
Mes parents ne se doutaient de rien, pourtant je pleurais tous les soirs seul dans ma chambre en voulant mourir afin que tout ça prenne fin pour de bon.
Un suicide au bout d’une corde
Un samedi soir pendant que mes parents et mon frère dormaient, je m’étais relevé pour me rendre en pyjama jusqu’au hangar de mon père.
Situé à côté de la maison, il s’en servait pour entreposer tout son matériel agricole, son tracteur, ses outils, et ce qui lui était utile chaque jour pour son travail de paysan.
J’aimais beaucoup ce lieu, je m’y inventais des vies d’entrepreneur dans son usine ou ses bureaux.
Ce hangar était immense, il avait une grande charpente faite de grosses poutres qui ne demandaient qu’à me délivrer de cette vie absurde et oppressante.
En effet, pourquoi continuer à vivre alors que personne ne vous apprécie et que votre quotidien est un calvaire ?
Aucune personne censée ne reste longtemps dans un environnement hostile.
En outre, mon bourreau jouissait d’un sentiment d’impunité qui le rendait à ses yeux invulnérable.
Chaque jour je restais seul dans mes tourments sans pouvoir appeler à l’aide.
Résigné, je ne cherchais plus le soutien que jamais on me donnerait. Je ne voyais plus d’espoir, ni de porte de sortie en dehors de celle que j’avais choisie ce jour-là. Elle se tenait ici, au bout d’une simple vieille corde brunie.
La chute
Des larmes chaudes et nouées de stress coulaient sur mes joues alors qu’il ne devait pas faire plus de cinq degrés sous cet immense abri de tôles.
J’avais réalisé un superbe nœud coulant prêt à refermer son étreinte sur ma détresse en y mettant fin.
Je montai sur une vieille chaise de cuisine salie par des travaux de peinture que mon père avait dû réaliser auparavant. Ainsi juché, je n’avais plus qu’à basculer la chaise pour me libérer.
Seulement, ma mort étancherait-elle la soif de haine de S. Cazac ?
Rien n’était moins sûr, mais parvenu à cette étape le doute n’était plus permis, il fallait que tout cela s’arrête maintenant.
Dans un dernier sanglot, je basculais la chaise d’un coup de pied pour en finir.
La force de caractère est la vertu des temps difficiles
Tout s’éloignait à mesure que le temps semblait figé dans l’instant, comme suspendu au résultat pourtant attendu de mon geste désespéré.
L’apaisement ne vînt pas.
La corde cassait nette, non sous le poids du désespoir, mais parce que la masse associée au choc étaient trop importants pour qu’elle tienne sans céder.
Au sol, le bras gauche endolori par la chute, je toussais et reprenais un souffle à peine interrompu. J’avais mal à la nuque, sonné par cet épisode qui ne se terminait pas comme je l’avais souhaité, je me relevais titubant.
Le lendemain, la brûlure à mon cou, stigmate de ce malheureux évènement, n’éveillait même pas les soupçons de mes parents, concentrés sur les problèmes du foyer.
Peu importait, car j’avais appris.
Je savais ce que je voulais et ce que je ne voulais plus. Dorénavant, nul ne m’arrêterait et certainement pas Cazac qui ne vivait que pour me torturer. La force de caractère est la vertu des temps difficiles.
L’intérêt d’un tel émoi au travers d’une promesse autant personnelle qu’individuelle, c’est qu’il motive à réfléchir à une stratégie, à poser la situation pour mieux l’apprécier.
Il n’était plus question de se laisser ennuyer par qui que ce soit, professeurs y compris.
Trouver une échappatoire
Les jours qui suivaient, je mettais en application ma stratégie : ne plus accorder aucune importance à Séb CAZAC, effectuer une dénonciation en bonne et dûe forme auprès de l’enseignante principale de la classe, puis prévoir une issue pour l’année suivante, afin de ne pas se retrouver dans une situation similaire, c’est-à-dire dans la même classe.
J’avais la naïveté de croire que les enseignants agissaient dans l’intérêt de leurs élèves, car ils avaient bien la responsabilité de ces enfants.
De surcroît dans un établissement catholique, ils avaient le devoir de porter des valeurs morales et de respect. Seulement, les professeurs se servaient de Dieu pour asseoir leur autorité au lieu de le servir.
La courbe du harcèlement scolaire était l’exacte opposée de celle du savoir et de l’instruction. C’était hier un enjeu sociétal, et dès demain civilisationnel.
Madame Leblond était à la fois notre professeur de français et en même temps le professeur principal de la classe.
Comme les autres enseignants de la classe, elle devait avoir observé ce qu’il se passait entre Cazac et moi, elle devait savoir ce qu’il faisait. À moins d’être dans le déni ou de mauvaise foi, aucun prof ne pouvait ignorer la situation.
Je n’en pouvais plus de l’encre jetée sur mes cahiers, des insultes permanentes, surtout pendant les cours ; même-là il trouvait le moyen de les chuchoter sans se faire prendre.
Puis, en dehors c’était pire, c’était open-bar : croche-pied dans les escaliers, bousculade dans les toilettes, eau sale jeté sur mes vêtements, destruction de mes affaires qu’il jetait dans la cour ou dans les WC ; son imagination pour me nuire était sans limites.
À la fin du dernier cours de la matinée, je prenais l’initiative d’aller trouver Madame Leblond à son bureau.
J’étais fébrile, tremblant, je n’osais imaginer la réaction qui serait la sienne en apprenant ce qui se déroulait dans sa classe.
Elle se doutait qu’il se passait quelque chose, mais elle n’avait jusqu’alors jamais pris l’initiative de réunir les parties prenantes pour tenter de comprendre le calvaire que je vivais chaque jour et trouver une solution pour y remédier.
Aucun dialogue n’était possible, pour lui je n’étais rien.
Il n’y avait aucun dialogue possible avec Cazac qui s’évertuait simplement à m’insulter dès que j’essayais d’entamer une discussion avec lui. Ce qui était véritablement prodigieux, était la capacité qu’avaient des individus comme lui capables de se dédouaner systématiquement de tout par l’insulte et le mépris.
Je racontais mon récit à Madame Leblond qui semblait s’étonner de sa teneur. Elle ne semblait pas mesurer l’ambiance délétère qui régnait dans sa classe.
Cependant, elle ne pouvait ignorer que la plupart de ses collègues, passaient sous silence les agissements de Sebastien Cazac, simplement car il était issu d’une famille aisée.
Je n’étais que le fils d’un paysan, je n’étais rien, je n’intéressais personne. Je devais me battre pour tenter de m’élever au-dessus de ma condition.
Pour échapper aux sanctions et représailles physiques, je cachais mes mauvaises notes à mes parents, surtout à mon père au tempérament volcanique.
Les humiliations que je subissais étaient jouissives pour lui
Seulement, les profs prenaient un certain plaisir sadique à distribuer les copies corrigées en annonçant les notes devant l’ensemble de la classe.
Plus pervers encore, certains d’entre eux rendaient les devoirs corrigés en les classant du meilleur au plus mauvais.
L’instruction par l’humiliation comme si cela apportait une valeur ajoutée en matière de pédagogie.
Par contre, cela accentuait encore davantage mes difficultés, puisque qu’au lieu d’une main tendue on m’appuyait la tête sous l’eau, Séb Cazac s’en délectait.
Certains profs m’envoyaient au tableau simplement pour me voir échouer afin que je serve d’exemple aux autres en matière de médiocrité.
Peu à peu, cela virait à la persécution, mais je me taisais et je subissais. De toute façon, l’enfant reste inférieur face à l’adulte, il n’a pas de statut social.
Le passage en classe supérieure impliquait de poursuivre avec le même effectif que la classe actuelle. Or, c’était impensable compte tenu de la situation de harcèlement dans laquelle je me trouvais.
Changer de classe pour fuir mon bourreau
Au collège, face à ce type de problème, il y avait toujours la possibilité d’aller d’une classe à une autre.
Seulement, au collège Saint-Joseph de Fontenay-le-Comte il n’y avait que deux classes de troisième option allemand.
Ainsi, soit je continuais dans la classe actuelle, soit je repartais de zéro dans la deuxième.
Sans hésiter, je demandais à Madame Leblond de faire le nécessaire pour changer de classe l’année prochaine.
Elle me répondait qu’elle ferait tout son possible pour répondre favorablement à ma demande auprès de la direction du collège.
L’entretien se terminait ainsi, sans espoir de meilleurs lendemains, ni promesse de résoudre la situation, mais avec l’absolue nécessité de mettre fin à mon calvaire par tous les moyens.
Quelques semaines plus tard, à la fin d’un cours, Madame Leblond me demandait de la retrouver.
Elle m’expliquait qu’elle avait pu obtenir de la direction du collège, l’accord nécessaire pour que je change de classe l’année prochaine.
Les nerfs avaient lâché, j’avais pleuré.
Il lançait des rumeurs mensongères afin de me nuire à tout prix
Un peu plus tard, sans savoir quel professeur avait bavé, ni dans quel intérêt il pouvait trouver à répandre des rumeurs à mon sujet, j’apprenais que tout le monde était informé de mon changement de classe.
A son tour avisé de mon prochain transfert, Cazac faisait courir une rumeur disant que c’était la classe toute entière qui ne voulaient plus de moi, et que chaque élève l’avait fait savoir aux professeurs pour me dégager.
C’était autant humiliant qu’inexact.
Sébastien Cazac n’avait même pas eu le courage d’assumer ses actes de tortionnaire. Il voulait garder la tête haute alors que dans pareilles circonstances, on présente ses excuses et on fait profil bas.
Les élèves de l’autre classe, celle que je devais rejoindre l’année suivante, étaient tout aussi convaincus par la rumeur.
Je passais alors pour le vilain petit canard qu’il fallait abattre d’un coup de fusil, sans sommation.
Comment espérer s’intégrer dans de telles conditions ?
Un système défavorable aux défavorisés
À cette époque, la popularité des élèves dans les établissements scolaires se mesurait d’abord par la marque de leurs chaussures, que par leurs connaissances ou leurs bons résultats scolaires. L’uniforme aurait pu amoindrir ces disparités sociales.
En outre, nous avions parfois l’impression que les professeurs, notaient favorablement ou défavorablement un travail non sur la qualité de celui-ci, mais davantage sur la popularité de l’élève qui le rendait.
Un élève réputé mauvais était de toute façon mal noté.
Dans ces conditions, de quels espoirs disposaient les élèves modestes et moyens qui cherchaient à s’élever ?
Ceux-là devaient se complaire dans la médiocrité, et rester à leur place.
À la fin de l’année, je savais à quoi m’en tenir.
J’avais compris l’environnement dans lequel j’évoluais et il était hostile.
Et aujourd’hui ?
Il m’est impossible de pardonner.
Pour tourner la page d’une année de harcèlement scolaire telle que je l’ai vécu, il aurait fallu que des excuses soient présentées.
Seulement pour cela, le bourreau aurait dû reconnaître ses torts et Sébastien Cazac en était incapable. Pour lui, la victime était la seule coupable de ce qui lui arrivait.
Un million d’élèves harcelés au cours des 3 dernières années
Lorsque je découvre dans les médias des cas de harcèlement scolaire qui aujourd’hui font l’actualité, décuplés par les réseaux sociaux et leur lâcheté de ne rien modérer, je suis attristé de voir encore des drames s’engager dans les cours d’école.
Chaque prof qui savait est coupable, chaque élève qui s’était rangé derrière le bourreau est complice.
Lindsay, Lucas, Dinah, Thibaut …et tous les autres qui partent en silence, lassés des horreurs proférées à leur encontre, épuisés par les incessantes brimades, esseulés par des profs désinvoltes et irresponsables ; ils ne trouvent de salut que dans la mort.
Le harcèlement et ses conséquences, ne sont pas un échec collectif, mais bien individuel.
Chaque prof qui savait est coupable, chaque élève qui s’était rangé derrière le bourreau est complice, chaque parent qui était informé sans le dire est tout autant responsable que l’auteur principal des faits de harcèlement.
La violence des mots et des actes est intensifiée par les réseaux sociaux. S’ils avaient existé à mon époque, je ne serais plus là pour raconter mon histoire.
Aujourd’hui, je peux affirmer m’être reconstruit. Même si je suis passé depuis longtemps à autre chose, il n’en reste pas moins que Sébastien Cazac est un harceleur et une mauvaise personne.