Vous avez sans doute remarqué qu’en matière de gestion des cookies, certains sites web offrent deux choix à l’internaute, par exemple :
« accéder au site pour X€ TTC pendant x mois sans cookie publicitaire »
ou
« accéder au site gratuitement en acceptant les cookies publicitaires » :
Par exemple, vous trouvez ce type d’affichage sur des sites comme Voici ou Allociné :
Le site du journal « le Monde » propose également de payer un abonnement pour accéder au contenu ou d’accepter simplement les cookies :
Cette pratique est-elle conforme au principe de consentement éclairé et libre aux cookies imposé par le RGPD ? Qu’en dit la CNIL ?
Qu’est-ce qu’un cookie wall ?
Cookie wall et paywall : les définitions
Les bandeaux cookies sont des écrans s’interposant entre le site et l’internaute, lui imposant de faire un choix :
- Accepter les cookies,
- Les refuser mais accepter de fournir une contrepartie,
- Ou simplement partir sans entrer sur le site.
Le terme de « cookie walls », ou « mur de traceurs » en Français, désigne la pratique consistant à conditionner l’accès à un service au consentement de l’internaute au dépôt de traceurs sur son ordinateur (smartphone, tablette).
Cette pratique a pour objectif de compenser la perte de revenus publicitaires liée au refus du dépôt des traceurs
En cas de refus de la part de l’internaute, certains sites ont mis en œuvre un choix alternatif : celui-ci peut refuser les cookies mais cela l’ oblige à fournir une contrepartie. Cette pratique a pour objectif de compenser la perte de revenus publicitaires liée au refus du dépôt des traceurs. Ils obtiennent ainsi une autre forme de rémunération.
Si la contrepartie est demandée sous forme d’argent, le mur de traceur est appelé « paywall ».
Si le visiteur refuse les cookies, il ne pourra accéder au contenu qu’en s’acquittant d’une certaine somme d’argent.
Par exemple, sur le site JeuxVideo.com, vous avez deux possibilités uniquement :
« accéder au site pour 2€ TTC pendant 1 mois sans cookie publicitaire »
ou
« accéder au site gratuitement en acceptant les cookies publicitaires ».
Aucun autre choix n’est offert à l’internaute s’il veut entrer sur le site web.
Cookie wall : le consentement en question
La question de la légalité de la pratique des cookie walls est discutée notamment concernant les règles du RGD encadrant le consentement des personnes lors du recueil de leurs données personnelles.
L’article 4 du RGPD définit le «consentement» de la personne concernée comme « toute manifestation de volonté, libre, spécifique, éclairée et univoque par laquelle la personne concernée accepte, par une déclaration ou par un acte positif clair, que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ».
Le consentement libre signifie que l’accord de la personne au traitement de ses données ne doit pas être contraint et influencé. Il résulte d’un choix librement réalisé par les personnes, sans avoir à subir quelque conséquence que ce soit en cas de refus.
Or, si l’internaute refuse les cookies, celui-ci ne pourra pas accéder au contenu. Il s’agit d’une conséquence directe du refus, et l’on pourrait constater là un préjudice.
La question s’est particulièrement posée lorsque les préconisations de la CNIL sont devenues obligatoires à partir du 31 mars 2021, et que de nombreux acteurs du web ont opté pour la mise en œuvre de cookies walls.
Cookie wall et paywall : est-ce conforme au RGPD ?
Pas d’interdiction de principe des cookie walls
La CNIL a d’abord interdit les murs de traceurs dans ses lignes directrices sur les cookies en date de Juillet 2019.
En effet, l’organe de contrôle estimait que l’internaute ne devant pas subir de conséquences en cas d’absence ou de retrait du consentement, l’accès à un site internet ne pouvait pas être conditionné à l’acceptation des cookies. Cette position condamnait clairement la possibilité de faire payer l’internaute pour accéder à du contenu en cas de refus des cookies.
Or, le Conseil d’État, en a décidé autrement :
« La CNIL ne peut pas légalement interdire dans ses lignes directrices les cookie walls » et que celle-ci « a excédé ce qu’elle pouvait légalement faire »
En effet, dans une décision du 19 juin 2020, la plus haute juridiction administrative Française a jugé que la nécessité de l’existence d’un consentement libre ne pouvait pas justifier une interdiction générale de la pratique des « murs de traceurs ».
Et cela, en dépit du conditionnement de l’accès au site web à l’acceptation des cookies ou à la fourniture d’une contrepartie, y compris financière. Le Conseil d’État estime que la liberté du consentement doit être appréciée en tenant compte de l’existence et du type d’alternatives existantes. Cette appréciation doit se faire au cas par cas.
De fait, cette décision limite le caractère général et absolu de l’interdiction des murs de traceurs posé par principe par la CNIL. Le conseil d’État considère que « la CNIL ne peut pas légalement interdire dans ses lignes directrices les cookie walls » et que celle-ci « a excédé ce qu’elle pouvait légalement faire ».
La CNIL en appelle au législateur Européen pour fixer des règles claires et précises sur ce point afin de pouvoir évaluer la légalité des pratiques existantes et poser un cadre juridique sécurisant pour tous, éditeurs de publicité, sites web et internautes.
En attendant, la CNIL a édicté un certain nombre de critères à respecter, ce qui doit permettre d’évaluer la légalité ou non de ces bandeaux cookies au cas par cas.
Bandeau Cookie : 3 critères à respecter selon la CNIL
1- Une alternative réelle et équitable
Lorsqu’un internaute refuse les cookies sur un site web, celui-ci doit disposer d’une alternative réelle et équitable pour accéder au contenu recherché sans avoir à accepter l’utilisation de leurs données.
Dans le cas où l’éditeur de site instaure une contrepartie de la part de l’internaute pour refuser les traceurs, il doit être vigilant à ne pas créer un déséquilibre qui priverait celui-ci de choisir. Autrement dit, l’alternative doit être simple d’accès.
Dans certains cas, les bandeaux cookies sont interdits.
En effet si les contenus ne sont accessibles que sur un site en particulier, les cookie walls sont interdits.
C’est par exemple le cas des services administratifs qui ne peuvent conditionner l’accès à une démarche administrative à l’acceptation de traceurs.
Dans le cas contraire, l’internaute qui ne peut effectuer sa démarche sur un autre site se verrait contraint d’accepter les cookies. Le consentement ne pourrait donc pas être qualifié de libre.
En revanche, si le contenu est accessible sans cookie wall auprès d’un autre site web, l’internaute a la possibilité de changer de site web pour s’informer. Il dispose bien d’une alternative.
2- Un tarif raisonnable en cas de paywalls
Comme nous l’avons vu, le paywall est un bandeau cookie demandant une contrepartie financière.
Si l’internaute refuse les cookies, ce dernier doit payer une somme d’argent pour accéder au site. Cette pratique est permise mais la CNIL impose une condition : l’alternative payante doit être raisonnable.
Par raisonnable, la CNIL entend que cette contrepartie financière ne soit pas de nature à priver l’internaute de l’accès au site et, de ce fait, d’un véritable choix.
La CNIL ne fixe pas de plafond au tarif « raisonnable ».
Le caractère raisonnable est évalué au cas par cas.
Par exemple : JeuxVideos.com demande 2€ pour accéder au contenu sans cookie tandis que le site du Monde en demande 9,90€.
Les tarifs sont différents, ils en ont tout à fait le droit.
Toutefois, l’éditeur de site qui met en place un paywall doit être en mesure de justifier le caractère raisonnable de cette contrepartie payante, notamment en fonction du service proposé.
3- Un bandeau cookie adapté à la finalité
Il est possible de conditionner l’accès au site au consentement à une ou plusieurs finalités des traceurs à condition que l’éditeur puisse justifier que le bandeau cookie est limité aux finalités permettant une juste rémunération du service proposé.
Attention, la publicité ciblée et la personnalisation du contenu sont deux finalités différentes qu’il convient de distinguer. Si l’éditeur de site se justifie en arguant que la rémunération de son service compense les revenus qu’il pourrait obtenir de la publicité ciblée, alors, seul le consentement à cette finalité doit être nécessaire pour accéder au service. Dans ce cas, si le visiteur refuse la personnalisation du contenu éditorial, cela ne doit pas l’empêcher d’accéder au site sans cookies (et inversement).
L’internaute doit recevoir une information claire concernant les finalités pour lesquelles il doit accepter les cookies en vue d’accéder au site web et donc au service proposé.
Pour conclure :
Il n’est pas interdit de proposer aux visiteurs de payer une certaine somme pour accéder à un site web.
La CNIL impose simplement le respect de certains critères pour apprécier la légalité de ces murs de traceurs, au cas par cas. Il s’agit de voir si la législation Européenne prendra le relai pour fixer des règles plus nettes sur ce sujet !
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