D’après l’étude Yougov, 62% des individus interrogés déclarent que la crise sanitaire a entrainé une véritable réflexion sur leurs habitudes de consommation.
La fermeture des cafés, des hôtels, des restaurants, de nombreux commerces et les limites à leur mobilité ont transformé les modes d’achat des consommateurs pendant le confinement. Si les hypermarchés ont globalement été moins « gagnants » que les commerces de proximité et les circuits courts, ce sont les ventes en ligne qui ont connu la plus forte croissance atteignant +10% de part de marché pour l’alimentaire, notamment grâce aux drives.
Qu’en est-il depuis le déconfinement ? Décryptage !
Qui sont les « grands gagnants » de la crise sanitaire ?
Nous avons entendu parler ou l’avons nous-même vécu pendant le confinement : les délais d’attente pour les drives ou les livraisons à domicile pouvaient être particulièrement longs et dépasser largement ceux sur lesquels s’engagent les enseignes habituellement. L'Italie se distinguait d'ailleurs en la matière avec des délais totalement lunaires : 1 mois entre la commande sur le site internet de l'enseigne et la livraison des produits commandés.
En effet, les plateformes de préparation sont très vite parvenues à saturation, provoquant des délais d’attente considérables et de grosses ruptures de stocks (le taux de rupture à la livraison s’est élevé à + de 20% dans certains cas, contre 6% en règle générale).
Nombre d’enseignes, notamment dans l’agro-alimentaire, qui proposent un service de commandes en ligne n’étaient pas préparées pour répondre à une telle demande, brusque et importante. Si un grand nombre d'entreprises ont utilisé le dispositif d'activité partielle mit en place avec leur gestionnaire de paie, d'autres ont rencontrées des difficultés de personnel : absentéisme, manque de matériel de protection, rupture des chaînes d'approvisionnement.
Avec l’arrêt quasi complet des consommations hors foyers et la volonté de sortir le moins possible, la charge brutale qui a pesé sur ces enseignes s’est fait sentir sur les approvisionnements.
Les gagnantes sont donc les enseignes dotées des meilleures structures ecommerce : variété de solutions e-commerce, logistique performante, sourcing efficace, relations fournisseur durables …
Ce sont les sites marchands des chaînes de magasins qui s’en sont le mieux sortis.
La Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à Distance) a indiqué que le confinement avait fait exploser le nombre de ventes en ligne alors même que les supermarchés restaient ouverts.
Nous aurions pu penser que les pures players du e-commerce comme Amazon auraient été les grands vainqueurs de cette période exceptionnelle, mais leur activité ne s’est accrue "que" de 4% sur les 2 mois de confinement.
En revanche, des chaînes de magasin comme Fnac ou Décathlon ont plus que doublé leurs ventes en ligne. L’activité des sites marchands des magasins a augmenté au global de +67% dans le non alimentaire. Dans le même temps, l’activité des hypermarchés a diminué et certains secteurs ont enregistré une baisse sans précédent comme celui de la mode ou du tourisme.
Ces tendances se sont-elles maintenues suite au déconfinement ? Les sondés de l’étude Yougov sont 50% à affirmer que la crise sanitaire va changer durablement leur manière de consommer. Qu’en est-il dans les faits ?
L’émergence de nouvelles tendances de consommation ?
Un autre sondage, réalisé par OpinionWay cette fois-ci, confirme cette tendance puisqu’il en résulte que 55% des Français interrogés souhaitaient « adapter leurs comportements de consommation à l’issue du confinement » peu importe finalement si la fiche de paie est moins généreuse qu'auparavant.
34% d'entre eux en étant plus attentifs à leur budget, 14% d'entre eux en privilégiant les achats en ligne.
L’activité du e-commerce, des supermarchés et des commerces de proximité est en effet resté dynamique depuis le déconfinement.
Malgré une mobilité retrouvée pour la plupart des Français, la tendance de l’achat en ligne se confirme, les drives connaissant une croissance de +30% en moyenne. Les distributeurs ont tout intérêt à conserver cette nouvelle clientèle en développant les systèmes de collecte et de livraison à domicile. Ce dynamisme de la vente en ligne fait d’ailleurs émerger de nouvelles idées auprès de magasins qui ne fonctionnaient auparavant qu’en points de vente physiques.
Michel BIERO, le directeur exécutif de Lidl France déclarait à l’AFP vouloir développer la livraison, voire le « click & collect » tout en excluant le système du drive.
De nouvelles alliances voient déjà le jour : des enseignes de grande distribution nouant des partenariats avec des enseignes de livraison pour livrer leurs produits. C’est notamment le cas de la marque Casino qui a annoncé sa collaboration avec Delivroo.
Il s’agira toutefois de rester prudent afin d’éviter que la désintermédiation de la relation client ne soit préjudiciable au distributeur.
D’après la société d’études Nielsen, le e-commerce alimentaire a augmenté ses parts de marché de +50%, faisant passer le nombre d’acheteurs en ligne mensuels de 5 millions à 7,4 millions.
Le principal challenge est de parvenir à fidéliser ces nouveaux clients recrutés durant cette période exceptionnelle, tout en développant un modèle économique viable et en assurant la qualité et la disponibilité des services.
Pour certains experts de la distribution, c’est sur l’ « omnicanalité » que les enseignes vont devoir concentrer leurs efforts.
L’accélération de la demande en ligne va demander au secteur de la distribution de renforcer leurs compétences en termes de gestion intégrée des différents canaux de vente. L’ « omnicanalité » ou « multicanalité » est le phénomène d’utilisation simultanée ou alternée de différents canaux de commercialisation : magasins physiques, vente en ligne etc.
Conserver de la fluidité pour répondre aux consommateurs demande de repenser les entrepôts et la chaîne logistique.
De plus, les relations fournisseurs, mais également celles avec les équipes sur le terrain (vente, livraison) sont primordiales pour réagir face à une brusque modification de la demande. Pour développer des avantages compétitifs dans le Multi-channel retailing, les entreprises sont amenées à élargir et renforcer leurs compétences technologiques : big data, supply chain, marchandising …
L’une des pistes qu’il serait possible de suivre notamment en cas de création d'entreprise est de décloisonner les activités « vente physique » et « vente en ligne » pour favoriser l’agilité sur l’outil de production, tout en mutualisant les coûts. Cela permettra de gérer au mieux les évènements commerciaux importants, qu’ils soient périodiques ou impromptus : promotions ponctuelles, soldes, période de noël, saint Valentin ou nouveau confinement !
Le comble dans notre beau pays c'est d'avoir […] "le seul syndicat au monde (CGT) qui a déposé un préavis de grève le jour du déconfinement et traîné au tribunal les entreprises qui redémarraient à grand peine".*
Les effets à long-terme du confinement et de la crise sanitaire, qui n’est pas terminée, soulèvent encore de nombreuses incertitudes sur l’activité du commerce et de la distribution. Ce qui est certain c’est que de nouvelles idées émergent pour être en capacité de répondre à l’accélération de la demande en ligne. Nous arrivons à un tournant au cours duquel les entreprises de la distribution devront renforcer leurs modèles, développer des partenariats et réfléchir à leur équilibre économique.
Aurore RIMBOD
Sources :
- https://www.e-marketing.fr/Thematique/retail-1095/Infographies/Infographie-YouGov-devoile-evolution-modes-consommation-post-confinement-349684.htm
- https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/coronavirus-sur-internet-la-crise-a-profite-aux-sites-marchands-des-magasins-1206488
- https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/achats-en-ligne-magasins-de-proximite-agilite-les-tendances-du-deconfinement-dans-la-distribution-1210331
- https://theconversation.com/consommation-avec-la-crise-le-e-commerce-sest-installe-durablement-dans-nos-vies-140645
* citation du Sénateur Claude MALHURET